MON PERE DISAIT :
Fils, regarde autour de toi, que des sourires. Malgré la conjoncture économique, tout humain arrivant ici est heureux de rencontrer ses semblables. Ma souk wa, me nyéga, djamna, mbotè na yo, anisukuma, good morning ou bonjour, tout disparaît le temps d’une rencontre sur ce (Bôm Bara) marché très matinal de Sakbayémé, pour se transformer en un simple regard suivi d’un sourire franc et soutenu. C’est comme si l’on s’est toujours connu, et cela soigne… aussi.
L’Ailleurs et ses codes, n’en parlons pas. Ici, pour quelques secondes ou la minute qui sont bien peu dans une vie, nous refaisons un monde aux allures de ces multiples bonheurs qui manquent et nous rendent malades. Sur ce caillou perché sur la colline et béni du Dieu du grand fleuve Sanaga, il se réalise toujours un miracle :
Un boiteux qui remarche, un aveugle qui recouvre la vue grâce à ces comprimés que nul ne connaît, un artiste aux compositions paillardes qui part droit vers Dieu à sa mort, comme le dit le pasteur enfin heureux de rentrer calmement aux premières heures du matin, de ses nuits chez sa dépanneuse, de quoi rendre jaloux tous ceux nombreux qui ne trompent personne; Mais aussi, une union nouvelle ou une naissance, comme la tienne.
Me citerais-tu une civilisation, oui, une seule qui ne soit heureuse d’habiter un lieu semblable à cette localité ? Même les martiens y sont arrivés et n’en sont plus jamais repartis.
Fils, raconte-moi tes mille mondes, mais en repartant, laisse-moi ici dans la Principauté bien aimée. Un jour, tu y reviendras auprès de ton père et ta mère, pour l’éternité. Prenons notre temps, mais cela se fera. La poussière de nos terres l’emporte toujours sur nous dans ce combat inégal.