JOURNAL INTIME DU POMPIER !
Les pluies qui sont tombées telles des cordes durant deux mois ont tout noyé. De nombreuses infrastructures ont été submergées et des ponts emportés. Réseaux électriques détruits, hôpitaux et écoles étaient ici et là, on n’en trouve plus une bonne partie. Pour le peu restant, quelle désolation ! Ils abritent des familles qui craignent une nouvelle colère du ciel. Ironie du sort, aucune goûte d’eau potable à deux mille lieux à la ronde alors que nous évoluons dans la flotte jusqu’aux hanches.
De toutes les personnes touchées, la moitié se compose d’enfants ; Quinze pour cent ont disparu, cinq pour cent ont été retrouvées et après plusieurs semaines de recherche le seul espoir que nous nourrissons est celui de trouver au pire un squelette identifiable et au pire toujours, un corps en état de putréfaction très avancée, mais susceptible d’être identifié. Maigre consolation pour la famille, s’il en reste. Les épidémies arrivent. Nous ne pourrons tous échapper à la diarrhée ni au choléra, particulièrement mortels pour les enfants.
Il faut d’urgence de la nourriture, de l'eau potable, des fournitures médicales, des biscuits protéines, des vêtements et des vaccins. Nous en avons établi une liste très précise ce jour, nous nous accrochons désormais au bon vouloir de ceux qui nous envoient ici. Mais ont-ils vraiment le cœur à « Bombo », ceux de là d'où l'on gouverne ? J’en doute.
Une énième réélection pour ce Président et ici, la jeunesse en colère dans une banlieue à laver au nettoyeur à haute pression là, il faut d’abord s’en occuper ; Un lieu de culte à reconstruire sur le lieux d’un symbole ailleurs, des étrangers qu’il faut d’abord pourchasser afin de plaire au peuple en mal de sensations fortes comme du temps des arènes et de leurs gladiateurs, mais aussi toutes ces pétaudières hautement financières sur lesquelles il faut vite s’asseoir au risque de… ! Cela en fait trop, la réponse ne nous viendra pas vite. Et si même elle arrivait, attendons-nous à des miettes, juste des miettes.
Récoltes, bétail, n’en parlons pas ; il n’y en aura plus pendant plusieurs saisons dans cette région essentiellement agricole.
Je pose mon écritoire, une larme vient de mollement s’écraser sur ma ligne d’écriture, comme pour m’intimer l’ordre d’en garder pour les jours suivants. Quand on n’a plus que son cœur pour guide, il vaut mieux l’écouter. Mais non. J’ai aussi la lettre de Marcel et cette photo qui l’accompagne, une goyave.
Chez moi loin à Sakbayemi là-bas, ce fruit est le symbole de la force par sa dureté au toucher, de la vie par le vert de sa couleur, de la bonne amitié par son goût agréable. A l’intérieur, il y a ces graines pour nous rappeler qu’en tout, nous trouverons des difficultés qu’il nous faudra savoir vaincre. D'elles, la perpétuation de la vie.
Tout est bon dans la goyave, même ses feuilles sont un efficace remède. Vous êtes tout pour moi, chers amis, vous êtes ma goyave. Grâce à vos encouragements, je resterai le pompier du monde, il le faut.